Paul DELAROCHE

Mazarin et sa nièce Marie Mancini avant le départ de celle-ci en exil à Brouage


Paul DELAROCHE (1797, Paris – 1856, Paris)
Mazarin et sa nièce Marie Mancini avant le départ de celle-ci en exil à Brouage
Aquarelle
Signée et dédicacée “A Madame Vernet” en bas à droite
21×31 cm
1828


Important peintre du XIXème siècle, souvent situé entre classicisme et romantisme (le  « juste milieu »), Paul Delaroche est particulièrement connu pour ses tableaux d’histoire. Elève du baron Gros, il expose au Salon à partir de 1822.
Nous présentons ici une belle et intéressante aquarelle, double témoignage de son goût pour les sujets historiques et de sa vie privée.

La scène représente les préparatifs de départ de Marie Mancini, la nièce de Mazarin, pour le château de Brouage près de Rochefort en Charente-Maritime, en juin 1659. Par raison d’état (mariage avec l’Infante d’Espagne), le ministre italien dut effectivement éloigner du jeune Louis XIV la séduisante Marie, qui le fascinait un peu trop.
Nous pouvons identifier les principaux personnages de la scène. L’homme debout derrière Mazarin serait le jeune Louis XIV, assez sobrement vêtu ; les deux femmes debout derrière Marie (agenouillée aux pieds de son oncle) seraient ses deux sœurs cadettes, Hortense et Marie-Anne, qui l’accompagnèrent en exil. Quant à la silhouette debout au fond à gauche, il pourrait s’agir de la mère de Louis XIV, la reine Anne d’Autriche.

Le contexte de la création de ce dessin peut assez clairement s’expliquer.
Delaroche fréquentait effectivement Horace Vernet et sa famille depuis le milieu des années 1820, alors que celle-ci était installée rue Saint-Lazare, dans le quartier de la Nouvelle Athènes (aujourd’hui dans le 9ème arrondissement de Paris); il réalisa en 1828 un portrait de la fille, Louise Vernet, avec laquelle il partageait déjà de forts sentiments (et qui allait devenir sa femme en 1835).
Mais au tout début de 1829, Horace Vernet dut quitter Paris pour Rome, où il venait d’être nommé, succédant à Guérin, Directeur de l’Académie de France à la Villa Médicis. A l’occasion du prochain départ de sa bienaimée Louise pour cet exil romain, Delaroche produisit ainsi cette aquarelle (dédicacée à Madame Vernet), sorte de « message » adressé aux parents Vernet, et amusant clin d’œil établissant un parallèle entre son histoire avec Louise et celle de Louis XIV avec Marie Mancini. Delaroche endossant le rôle du jeune roi Louis XIV « privé » de son amour.
On peut comprendre l’amour de Delaroche pour Louise en admirant le charme de celle-ci dans le portrait que fit d’elle son père Horace Vernet en 1830 à Rome, avec la villa Médicis en arrière-plan, dans le tableau exposé au Salon de 1831 et aujourd’hui conservé au Louvre.

Selon son habitude lorsqu’il s’agissait de petits cadeaux offerts à ses proches, Delaroche a signé cette aquarelle.

Le contexte de création de l’œuvre permet donc avec vraisemblance de dater celle-ci de 1828. Ceci étant assez logique par rapport aux deux compositions peintes conservées à la Wallace Collection, et traitant de thématiques de la même période historique : Richelieu sur le Rhône (datée de 1829) et La Mort de Mazarin (datée de 1830).
Le Victoria & Albert Museum conserve également une aquarelle très aboutie représentant Mazarin et Marie Mancini préparant son départ, mais moins narrative que notre esquisse, d’un format inférieur et d’un format moins « panoramique », avec une datation qui a été suggérée autour de 1830 ; il existait un pendant à cette aquarelle, vendu à la même vente aux enchères de 1897, mais aujourd’hui non localisé.
Le Professeur Stephen Bann, spécialiste de Paul Delaroche, indique que stylistiquement, notamment au niveau des visages, notre aquarelle peut se rapprocher de dessins de Delaroche conservés au British Museum, datés de 1825, et illustrant les Confessions de Jean-Jacques Rousseau.