Lucien-Pierre SERGENT, attribué à

Suffrage universel: un bureau de vote à Paris

Sergent: tableau du Salon de 1879
Aquarelle de Sergent - Galerie de Quelen

Lucien-Pierre SERGENT (1849, Massy – 1904, Paris), attribué à
Suffrage universel: un bureau de vote à Paris
Aquarelle
26 x 37 cm
Vers 1880


Imaginé pendant la Révolution en 1792, le suffrage universel est rétabli par la Deuxième République à l’occasion de la Révolution de 1848. Mis de côté sous le Second Empire, il est définitivement institué par la Troisième République, en 1875.
Proche du registre de l’illustration, mais comportant néanmoins de réelles qualités artistiques, notre aquarelle représente une scène de vote dans un bureau parisien, comme l’indique le blason sur le pupitre, rassemblant une population composée d’ouvriers mais aussi de bourgeois et de paysans. La vue sur l’extérieur laisse deviner la silhouette de Notre-Dame avec ses deux tours et la flèche de Viollet-le-Duc, mais également des cheminées industrielles, assez interpellantes à cet endroit. Le sujet est donc vraisemblablement celui des élections des conseillers municipaux de Paris.
L’artiste inclut plusieurs attributs républicains relatifs au vote: affiches administratives, avec des Avis aux citoyens et les Professions de foi, urne, buste de Marianne coiffée du bonnet phrygien. Un des participants tient en main un tract portant le slogan « Paix et travail« , qui avait été utilisé par Beslay, le président du Conseil général de la Commune en 1871, et par Mac Mahon dans son manifeste lors des élections suivant la dissolution de l’Assemblée en octobre 1877. Un autre homme consulte un tract sur lequel semble inscrite la date de 1881, sachant que des élections municipales eurent lieu à Paris en 1881, 1884, 1887 au cours de cette décennie.
Se voulant réaliste par le décor du bureau de vote et l’exactitude des tenues vestimentaires des différentes classes sociales ainsi que par l’absence de femmes, notre aquarelle possède aussi une forte dimension symbolique par la mise en valeur de l’urne et du geste électoral de l’ouvrier, ce geste proprement dit ne correspondant pas tout à fait à la réalité, car dans les faits, c’est encore le président du bureau qui insère le bulletin dans l’urne. Elle illustre bien les paroles de Gambetta prononcées à Paris le 9 octobre 1877 dans son discours au Cirque du Château d’Eau : « C’est le suffrage universel qui réunit et qui groupe les forces du peuple tout entier, sans distinction de classes ni de nuances dans les opinions » .
Elle renvoie aussi aux propos de Paul Bert en 1882: « … il faut que lorsque le citoyen s’approchera de la simple boîte déposée sur la table de vote, il éprouve quelque chose de cette émotion que ressentent les croyants lorsqu’ils s’approchent de l’autel » .

L’iconographie artistique de ce thème est très peu fournie. Certes, les périodes de 1848/1850 et d’après 1871 sont très riches en caricatures et dessins de presse imprimés, mais on dénombre très peu de tableaux: celui de Charles Nègre exposé au Salon de 1849, titré Le suffrage universel, est davantage une allégorie de la République; Alfred-Henri Bramtot donne une représentation très naturaliste du vote dans Le Suffrage Universel, exposé au Salon de 1891 et destiné au décor de la mairie des Lilas en banlieue est de Paris.
Lucien-Pierre Sergent, un élève d’Isidore Pils et de Jean-Paul Laurens, spécialisé dans les sujets militaires, traita également le thème dans son triptyque Origine du pouvoir: Force; Suffrage universel; Droit divin, exposé au Salon de 1879 sous le N°2760 et acquis par l’Etat pour être placé dans la mairie de Méru dans l’Oise. La partie centrale représentant une scène de vote affiche (au-delà du thème commun) des similitudes stylistiques avec notre oeuvre, tout comme une aquarelle représentant des fantassins français, dont nous donnons une copie, expliquant ainsi l’attribution.