Louis-Gabriel BLANCHET

Autoportrait présumé de l’artiste

Portrait présumé de Bouchardon, c.1730
Portrait de Panini, 1736
Portrait d'Henri Jardin, 1748
Portrait de Belidor, 1752
Portrait de Joseph Wilton, 1753
Portrait de Tolozan, 1756
Portrait de JJ Rodolphe, 1759
Portrait de gentilhomme, 1759

Louis-Gabriel BLANCHET (Versailles, 1701 – Rome, 1772)
Autoportrait présumé de l’artiste
Huile sur toile
73 x 60 cm
Vers 1730


Originellement présenté dans un cadre d’époque Restauration avec un cartouche « Mignard », ce très beau tableau nous était d’abord apparu comme une œuvre de l’Italie du nord. Il en émanait toutefois une forme de raffinement assez français, laissant penser que son auteur pouvait avoir assimilé une double influence venant de chaque côté des Alpes. Nous remercions notre confrère et ami Philippe Mendès de nous avoir spontanément et judicieusement « sorti » le nom de Louis-Gabriel Blanchet, portraitiste français romanisé, dont nous retrouvons bien ici l’esprit et les caractéristiques stylistiques.

Les années « françaises » de Blanchet, avant son départ définitif pour Rome en 1728, suite à l’obtention du second Grand Prix de peinture derrière Subleyras en 1727, sont extrêmement peu documentées. Son père Gabriel était valet de Blouin, lui-même premier valet de chambre de Louis XIV à l’époque. Selon Thierry Lefrançois, Blanchet est l’un des rares élèves de Nicolas Bertin (1667-1736), dont il aurait intégré l’atelier au début des années 1720. A l’occasion d’un baptême le 24 mars 1724 où il est parrain, il est mentionné comme peintre au magasin des tableaux du duc d’Antin, le directeur des Bâtiments entre 1708 et 1736. A cette époque, il est déjà probablement marié à Jeanne Quément, avec laquelle il a une fille également prénommée Jeanne, qui épousera en 1738, à Versailles, Nicolas Aviet, fils d’un valet de la garde-robe de la reine.
Lorsque Blanchet arrive à Rome en octobre 1728, il est accompagné de Subleyras, Trémolières et Slodtz. Il bénéficie de la bienveillance de Vleughels, le directeur de l’Académie de France installée au Palais Mancini depuis 1725, même si celui-ci n’est pas toujours tendre avec notre pensionnaire, qui, à partir de 1732 sera sous la protection du duc de Saint-Aignan lorsque celui-ci prend son poste d’ambassadeur à Rome. Avec Slodtz et Subleyras, ils forment un trio d’amis, auquel se joindra Joseph Vernet rapidement après son arrivée à Rome en 1734 ; Slodtz et Blanchet, à l’occasion du mariage de Subleyras en 1739, seront ainsi là pour attester que leur ami n’était lié par aucun engagement conjugal, et Blanchet sera témoin lors des noces de Vernet en 1745.

C’est très probablement de ces premières années romaines que date notre portrait d’artiste, dont le regard et la tournure du visage font irrésistiblement penser à un autoportrait. Les traits encore relativement juvéniles peuvent correspondre à la trentaine d’années de Blanchet, et la perruque mousseuse est encore en vogue à cette époque.
Le tableau correspond bien à la représentation d’un jeune peintre voulant afficher à la fois un début de réussite et une certaine simplicité ou retenue. Un léger sourire exprime une forme d’assurance chez cet homme au regard doux et sincère, et au visage rayonnant de finesse d’esprit. On y retrouve cet air d’intimité présent dans presque tous les portraits de Blanchet, même ceux des années 1750-1760, ainsi qu’une presque connivence avec le spectateur. L’esprit du tableau est assez proche de ceux du portrait présumé de Bouchardon (peint vers 1730) et du portrait de Pannini, peint en 1736, mais il possède plus de naturel, notamment grâce à l’absence de décorum. Notre oeuvre comporte les caractéristiques des peintures de Blanchet : élégance, luminosité (notamment dans les blancs), couleurs éclatantes et raffinées (ici l’harmonie du grenat du vêtement et du bleu-ardoise du fond, dont l’uniformité est tempérée par un paysage très esquissé et un bosquet de verdure), carnations claires, pommettes assez rosées, lèvres souvent charnues, cadrages plutôt resserrés.

Selon la règle de l’Académie, le séjour de Blanchet aurait dû se terminer au printemps 1732, mais, on ne sait trop pour quelles raisons, il restera jusqu’à sa mort dans la ville éternelle, tout comme son ami Subleyras, dont il partage le logement jusqu’à la fin des années 1730. Ce dernier fait d’ailleurs régulièrement appel à lui pour collaborer à ses tableaux, comme Le repas chez Simon.
Grâce à l’entremise de Saint-Aignan, Blanchet est employé à la fin des années 1730 par la famille princière des Stuart, alors exilés en Italie : il réalise notamment des copies (aujourd’hui perdues) d’après Liotard des portraits de Charles Edouard et Henry Benedict, les fils de Jacques III Stuart, qui lui commandera aussi trois autres portraits (conservés à Londres, National Portrait Gallery), dont le caractère plus officiel tranche avec l’esprit intime des portraits de Blanchet. Blanchet fréquente les peintres anglais, comme le paysagiste Richard Wilson, et a comme élève la portraitiste écossaise Katherine Read (1723-1778).

Blanchet était réputé pour être serviable et avenant ; mais il était inconstant et dépensier, très souvent endetté, ce qui lui valut la prison en 1752. A cette occasion, il n’avait pas reçu le soutien de Natoire, le nouveau directeur de l’Académie, alors que le précédent, Jean-François de Troy (1679-1752), avait été plutôt bienveillant à son égard.
En 1755, Blanchet se remaria avec une italienne, Annunziata Dies, fille d’orfèvre, qui lui apporta une forme de sécurité et stabilité financière.

Dans les années 1750, Blanchet peint des scènes de genre, allégoriques, avec des putti dans l’esprit rococo, aimables et décoratives, souvent destinées à des dessus de porte ; il réalise aussi quelques tableaux religieux. Mais il reste avant tout un portraitiste, et s’il profite de l’abondante clientèle du Grand Tour, et notamment des britanniques, il est en forte concurrence avec Pompeo Batoni (1708-1787), qui sait représenter ces « touristes » plus fastueusement devant les ruines et divers monuments, alors que Blanchet garde son approche plus intime et psychologique pour portraiturer ses modèles.

Notre tableau s’inscrit donc dans les rares œuvres de jeunesse connues de Blanchet, les plus intimistes et « simples », avant le temps des portraits «officiels » et formels des Stuart et des commandes officielles, puis de la période de maturité des années 1750-1770, où l’artiste reste fidèle à son style mais en appliquant des recettes maîtrisées et éprouvées. Il nous permet aussi, très probablement, d’en connaître le visage.