Julien VALLOU de VILLENEUVE (1795, Boissy-Saint-Léger – 1866, Paris)
Une jeune fille indienne jouant avec un perroquet
Huile sur toile
54 x 41 cm
Signé en bas à gauche
Cachet de collection de cire rouge sur le châssis
Vers 1835
Expositions:
– Salon de Paris de 1835, sous le numéro 2065
– Probablement Salon de Besançon de 1840
Oeuvre en rapport: gravure en manière noire reprenant notre composition, par Henri Swebach, publiée chez Victor Delarue en 1836
Provenance: collection Souty (acquis au Salon de 1835)
Julien Vallou de Villeneuve reste davantage connu aujourd’hui pour son activité de photographe, mais il fut en son temps un lithographe et un peintre de genre très en vogue.
Issu d’une famille aisée (son père était receveur des domaines nationaux), il est élève de Garneray (Louis-Ambroise semble-t-il) et probablement du miniaturiste Frédéric Millet, et expose ses tableaux pour la première fois au Salon de Douai de 1823 et ses lithographies au Salon de Paris de 1824. Il grave ses propres dessins et peintures mais aussi ceux d’autres artistes comme Danloux ou Franquelin. Assez tôt il est attiré par les sujets de genre, plutôt galants voire érotiques, ainsi que par l’ethnographie et une forme d’exotisme. Plusieurs de ses oeuvres mettent ainsi en scène des noirs: La danse de nègres, Danse africaine, Le nègre amoureux, Petit maître que j’aime… Mais il s’agit d’un exotisme aimable et sucré, voire mièvre et inconsistant, typique de la monarchie de Juillet, parfois prétexte à l’érotisme comme dans notre tableau avec la poitrine dénudée de la jeune indienne. Quelques éléments parlent à l’imaginaire du public, mais il n’y pas de message particulier, ni dans l’esprit du « bon sauvage » ni dans celui de la lutte contre l’esclavage.
Son style et sa facture le rapprochent par exemple d’un peintre comme Alexandre Duval-Lecamus, ainsi que le soulignent plusieurs commentaires critiques:
– « du naturel, un dessin correct, une couleur fine… sa manière élégante et spirituelle… le charme de ses figures toujours si gracieuses… » dans Le Journal des Beaux-Arts et de la Littérature en 1839
– « oeuvres très finies, très terminées… » au Salon de 1846.
– Le critique du Salon de Rouen de 1835, où Vallou expose quatre peintures et des lithographies, résume ses qualités et ses faiblesses: « … un fini de peinture et une touche mignardée… mais pour nous, à qui les souvenirs de Mieris et de Gerard sont encore présents, nous sentons trop ce qui manque à la manière de M. Vallou de Villeneuve pour lui accorder, sans restriction, nos éloges. Nous ne condamnons pas irrévocablement ce genre de peinture, et notre antipathie pour tout ce qui nous semble léché ne nous empêche pas d’apprécier ce qu’il y a de gracieux et d’adroit dans les tableaux de M. Vallou… »
– « Deux femmes arabes à une fontaine: c’est un des plus jolis morceaux du Salon… des attitudes à la fois simples et gracieuses, un modelé souple, pur, moelleux. La couleur est chaude, harmonieuse et suave » dans Le Journal des Beaux-Arts et de la Littérature du 10 avril 1836.
Pourtant, dès 1838, le Journal des Artistes le met en garde de ne pas s’endormir sur ses succès. Et effectivement cette baisse de succès se produit, et c’est probablement ce qui incite Vallou à se tourner dès 1842 vers la photographie, alors naissante, ce qui ne l’empêche pas de continuer d’exposer au Salon jusqu’en 1849.
Après avoir longtemps habité rue des Moulins à Paris, il déménage en 1846 son atelier dans l’actuel 9ème arrondissement, au 18 de la rue Bleue. Il y ouvre un studio de photographie en 1850 et se spécialise alors dans les études photographiques « d’après nature »: il s’agit de petits clichés représentant des portraits de comédiens, de gens du peuple et surtout de nus féminins posant, principalement destinés à l’usage des peintres, qui pouvaient alors faire l’économie du modèle. Par l’intermédiaire du collectionneur Alfred Bruyas, il rencontre ainsi Gustave Courbet, qui utilisera les photos de Vallou pour plusieurs de ses tableaux.
Il semble stopper son activité photographique en 1855.
Connu pour sa générosité, il est fondateur et donateur perpétuel de l’Association des Artistes; de même, dans son testament il lègue à sa ville natale une rente sur l’Etat de 400 Francs, devant être attribuée chaque année à une personne pauvre, qui aura le mieux mérité cette récompense par ses vertus et sa bonne conduite. C’est lors d’une réunion de peintres chez le baron Taylor qu’il décède d’une rupture d’anévrisme.
A l’origine dans les collections du marchand Souty, notre tableau se retrouva exposé au Salon de Besançon de l’été 1840, où il fut acquis par la Société des Amis des Arts ou bien par un amateur local. Il bénéficia à cette occasion de la critique suivante du Journal des Artistes, qui fait également référence à son second tableau exposé: « Peintre aimable et gracieux, M. Vallou de Villeneuve, qui ne puise ses inspirations que dans des épisodes intéressants de la vie privée, obtient en province aussi bien qu’à Paris un succès légitime. Cette Jeune grecque est une charmante étude. »
Dès 1836, la composition avait été gravée, en pendant avec une autre oeuvre du Salon de 1835, Une femme sur le bord de la mer attend le vaisseau qui doit ramener son amant. La promotion sur la sortie des deux estampes fut faite dans l’Indépendant du 7 août 1836: « Deux charmantes estampes représentant, l’une Une jeune indienne jouant avec son perroquet, l’autre Une jeune africaine attendant le vaisseau qui doit ramener son amant. Ces deux dessins, qui sont remarquables sur le plan de la couleur locale et de l’étude de la nature, ont été parfaitement exécutés par l’artiste, qui a surtout bien rendu la transparence de la lumière. La jeune Indienne et l’Africaine sont de dimensions suffisantes pour l’ornement d’un cabinet de travail. Nous les recommandons aux amateurs de belles et bonnes gravures. Prix: 10 f chaque » .
Le premier propriétaire du tableau, Antoine Souty, était l’un des principaux encadreurs/doreurs, marchands de couleurs et de tableaux de l’époque; il possédait au moins deux autres peintures de Vallou: La batelière du lac de Brientz (exposé au Salon de Paris de 1835), et Les inconvénients du faux toupet (exposé à celui de 1838), qui furent proposés à la vente de son fonds en janvier 1847.
Quant au thème indien de notre tableau, il apparaît plutôt rare en cette première moitié du XIXème siècle: une petite dizaine d’oeuvres au Salon, parmi lesquelles une Schehérazade par Félix Cottreau en 1833, une Panthère des Indes à l’aquarelle par Barye en 1833, un Sacrifice de la veuve d’un Bramine par Biard (lui aussi attiré par l’exotisme) en 1838, une Chasse au tigre dans les Indes par Emile Lessore en 1847.