Jean-Baptiste LALLEMAND (1716, Dijon – 1803, Paris)
Rome: les thermes de Dioclétien
Plume, encre noire et brune, lavis gris sur papier vergé filigrané à la fleur de lys dans un cercle double
40 x 73,5 cm
Signé en bas vers le centre
Vers 1760
Provenance:
– Ancienne collection Cruchet
– Vente Tajan du 27/11/2009, lot N°77 (décrit comme les thermes de Trajan)
Contemporain de Joseph Vernet, Jean-Baptiste Lallemand réalisa comme lui quelques marines italianisantes, mais se distingua surtout dans les paysages pastoraux imaginaires, parfois recomposés, agrémentés de ruines ou d’édifices baroques, à la vocation décorative. A côté de cela il fut aussi un védutiste de sites réels, fin et précis; ses dessins, gouaches et peintures représentant Rome, la Bourgogne, la Franche-Comté, la région lyonnaise et Paris possèdent à la fois intérêt topographique et charme pittoresque. Certaines de ces vues dessinées furent d’ailleurs utilisées pour les ouvrages de Benjamin de Laborde, Voyage pittoresque de la France (1782/1786) et Description générale de la France (1770).
Fils de tailleur, c’est à Paris que Lallemand prit conscience de ses talents de peintre. Il effectua un séjour en Angleterre au début des années 1740 avant de revenir quelque temps à Dijon. Il partit alors pour Rome, où il semble s’être fixé de 1747 à 1761 (il s’y marie en 1748). A Rome il se constitua une clientèle régulière, travaillant notamment pour le Vatican et plusieurs cardinaux.
Membre de l’Académie de Saint-Luc, il passa le reste de sa carrière presque entièrement en France.
Sa production abondante et de qualité assez inégale, inspirée à la fois par le pittoresque et la lumière des artistes du nord de la fin du XVIIème et début du XVIIIème, et le courant ruiniste italien incarné par Panini et Piranèse, constitue une sorte de transition entre Vernet et Hubert Robert. On peut, pour son aspect souvent décoratif et « facile », également la comparer à celle de Jean-Baptiste Claudot; mais contrairement à cet artiste lorrain, Lallemand avait réellement connu l’Italie.
Le point de vue ici adopté pour représenter les ruines des thermes de Dioclétien est assez proche de celui que choisira Piranèse dans une eau-forte de 1774 (Piranèse avait déjà produit en 1756 une vue du même site, mais au cadrage un peu plus resserré), et il est presque identique à celui d’un tableau de Van Lint (1684-1763) réalisé quelques décennies plus tôt. Autre iconographie du lieu assez proche: celle de Panini, dans une veine relevant davantage du capriccio.
Comme souvent, Lallemand exécute son dessin sur deux feuilles réunies; le papier est italien, et il est utilisé par Piranèse pour ses estampes des années 1740/1770; il semble qu’on le trouve aussi dans des dessins du XVIIème siècle. La technique est elle aussi familière, mixant encre brune et noire, lavis gris rapidement posé, avec quelques légers traits de crayon préparatoires. Le style est également proche de celui des dessins de Gaspar Van Wittel (1653-1736) une cinquantaine d’années auparavant.
Les thermes de Dioclétien, construits vers 300 après J.C., furent les plus grands et les plus luxueux du monde romain, pouvant accueillir jusqu’à 3 000 personnes. Ils se situent à la périphérie nord-est de la ville.
Les Cruchet, célèbre famille d’ornemanistes et décorateurs, exercèrent leur activité tout au long du XIXème siècle. Installés dans le quartier parisien artistique de la Nouvelle Athènes, leur clientèle prestigieuse comprenait par exemple Louis-Philippe et la famille d’Orléans, puis l’impératrice Eugénie.