Jean-François GARNERAY

Portrait de Charles-François Tassin de Moncourt à sa table de travail
Portrait de sa femme Marie-Rose Aimée Tassin de Villiers


Jean-François GARNERAY (1755, Paris – 1837, Auteuil)
Portrait de Charles-François Tassin de Moncourt à sa table de travail
Portrait de sa femme Marie-Rose Aimée Tassin de Villiers
Huiles sur panneau
41×31 cm
Le portrait de Madame signé à droite vers le milieu
Circa 1812
Dans leurs cadres en bois et stuc dorés, à décor de palmettes, d’époque Empire


Nous présentons une séduisante et intéressante paire de portraits de Jean-François Garneray, représentant un couple de la célèbre famille orléanaise Tassin de Charsonville vers 1812.

Charles-François Tassin de Moncourt (6 avril 1783, Orléans – 17 octobre 1851, Orléans) était le fils de Pierre-Augustin-Charles Tassin de Moncourt (1754, Orléans – 1793, Paris) et de Félicité Leclerc de Douy (1764-1846). Pierre-Augustin, écuyer et riche négociant, eut un destin tragique puisqu’il fut guillotiné sur l’ordre de Fouquier-Tinville le 13 juillet 1793; peu avant sa disparition, il s’était fait construire par l’architecte et dessinateur Pierre-Adrien Pâris (1745-1819) un hôtel particulier au 3, rue de la Bretonnerie à Orléans, à côté de celui de son frère (également construit par Pâris, au N°1).
Son grand-père Charles-François Tassin de Charsonville (1723-1804) fut Grand Maître des Eaux et Forêts d’Orléans. Son portrait à l’huile par Perroneau est conservé au Musée d’Orléans.

Charles-François Tassin de Moncourt épousa Marie-Rose-Aimée Tassin de Villiers (2 décembre 1793 – 1865), sa cousine et fille de son oncle Guillaume-Athanase Tassin de Villiers (né en 1756, et qui fut maire adjoint d’Orléans), qui logeait au N°1 de la rue de la Bretonnerie.
Le mariage eu lieu le 20 octobre 1810, et deux enfants naquirent de cette union: Marie-Rose-Félicité (1811-1873), et Rose-Françoise-Anaïs (1814-1904). Rose-Françoise épousa Napoléon-Frédéric-Théodore Thomas (1803, château de Livry en Seine et Marne – 1868, Vichy), qui fut sous-préfet à Sedan, puis Préfet de la Corrèze, de la Sarthe et du Jura.
Les deux tableaux proviennent vraisemblablement de cette branche « Thomas » de la famille, car une inscription au dos désigne les modèles comme les beaux-parents du Préfet Thomas.

Les portraits ont pu être réalisés au moment du mariage, ou au plus tard juste après la naissance des enfants, ce qui explique la physionomie encore assez jeune des époux: une trentaine d’années pour le mari et une vingtaine pour la femme.
Il est probable que l’artiste a esquissé les compositions dans l’hôtel particulier familial du 3, de la rue de la Bretonnerie, avant de les finaliser dans son atelier.
Le mobilier est de style Empire, plus précisément Retour d’Egypte: fauteuil avec supports d’accotoirs en têtes d’égyptiennes pour Monsieur, console avec piétement en forme de sphinges ailées pour Madame, assise sur une chaise à dossier à enroulement.
Madame porte une robe à taille haute en mousseline presque transparente en partie supérieure, largement décolletée; elle est coiffée à la manière d’une actrice de théâtre, les couleurs bleu blanc rouge lui donnant un aspect presque révolutionnaire. Le plissé de la robe, la plume blanche, la fleur, sont exécutés avec raffinement et une grande méticulosité, caractéristiques de la facture de Garneray.
Monsieur, malgré sa redingote, son gilet et sa cravate du temps, présente une apparence encore très XVIIIème siècle. Contrairement à sa femme, il regarde directement le spectateur, interrompant sa correspondance sur un coin de table pour prendre une pose élégante mais quelque peu théâtrale, ou du moins convenue. Quelques bibelots permettent à ce portrait de se rapprocher de la scène de genre: une statuette en bronze de lion couché néo-classique faisant office de presse-papier, et une aiguière en tôle patinée et dorée qui accueille une rose répondant à la fleur de la femme; la draperie violine sur la gauche donnant néanmoins un caractère classique et aimablement officiel à l’ensemble. La composition rappelle celle du portrait présumé de Talleyrand, également peinte par Garneray en 1795 et conservée au Musée Lambinet de Versailles.
Ces peintures d’une grande finesse et d’un charme certain sont bien représentatives de l’ancien miniaturiste que fut Garneray.

Jean-François Garneray (28 décembre 1755, Paris – 11 juin 1837, Auteuil), issu d’une famille originaire de Lorraine, entra dans l’atelier de Jaques-Louis David en 1782. Jusqu’à la Révolution, il se spécialisa comme miniaturiste, tout en réalisant quelques tableaux; il gardera toute sa carrière ce sens de la précision et la capacité à bien reproduire les détails. Il fut un temps dessinateur officiel à l’Académie Royale de Musique, puis connut la célébrité pendant la Révolution par ses portraits, souvent en médaillon, des célébrités de l’époque, et qui furent largement diffusés grâce aux gravures de Pierre-Marie Alix. Il commença à exposer au Salon en 1791, sans interruption jusqu’en 1835. Il travailla pour la Convention, qui lui commanda notamment le portrait de Charlotte Corday, croquée sur le vif durant son procès.
Durant ces années 1790, 1800, 1810, il excelle dans les portraits intimistes pouvant pratiquement être considérés comme des scènes de genre teintées d’un goût nordique ou flamand, qu’il expose régulièrement au Salon, et avec lesquels il s’inscrit dans la même sphère que des peintres comme Boilly, Van Gorp, Fournier, Elisabeth Chaudet, Marguerite Gérard, voire Drolling ou Sablet. A partir de la fin des années 1810, il termine sa carrière avec des sujets troubadour ou encore des intérieurs d’église et des vues urbaines: il expose ainsi au Salon de 1819 deux vues d’Orléans, La place de l’Etape et La porte des anciennes sépultures, et à celui de 1824 une Vue de la place de la Comédie et des tours de la cathédrale d’Orléans. Ces trois tableaux ainsi que notre paire de portraits traduisent donc des liens étroits entre Garneray et la ville d’Orléans.
L’usage historique a conservé le prénom Jean-François, mais à l’époque on l’appelait François-Jean, et il signait d’ailleurs f.J. Garneray.
Peu ambitieux malgré sa célébrité, d’un esprit ouvert et moderne, Garneray vécut relativement modestement de son art, notamment avec des leçons données à des particuliers ou dans des pensionnats. Après son mariage en 1778 avec Marguerite Courgy (1750-1790), il s’installa 125, rue Saint André des Arts, en bénéficiant de l’aide financière de ses parents, entrés dans une forme de bourgeoisie. Au début des années 1820, il s’installa avec sa seconde épouse Marie-Anne Lefol dans le quartier d’Auteuil, au 24, rue Neuve des Mathurins. Ses trois fils, Louis-Ambroise (1783-1857), Auguste (1785-1824) et Hippolyte (1787-1858) furent poussés par leur père vers l’enseignement du dessin, et firent tous de belles carrières de peintres au cours du XIXème siècle. Garneray était par ailleurs Franc-Maçon, et il fréquentait avec ferveur la loge Amitié du Grand Orient de France.