Claude-Louis CHATELET (Paris, 1753 – Paris, 1795)
Cascades de Tivoli avec la grotte de Neptune
Lavis gris, encre de Chine, craie blanche, sur papier anciennement bleu
51 x 36,5 cm
Légendé en bas (texte difficilement lisibe)
Vers 1779
Provenance :
– Probablement collection de Richard Mique, sa vente en mars 1795 (Deux vues des cascades de Tivoli)
– Peut-être collection Hubert Robert, sa vente après-décès, 5 août 1809, Olivier CP, Paillet Expert, lot 182 du catalogue : Deux grands dessins à la pierre noire, rehaussés de blanc, études des cascades de Terny (sic) et celle de Tivoli
A placer stylistiquement aux côtés d’Hubert Robert ou de Joseph Vernet, Châtelet est surtout connu comme un des peintres favoris de Marie-Antoinette, qui lui commanda plusieurs tableaux, et pour laquelle il réalisera, dans la première partie des années 1780, toute une série de vues du domaine du Petit-Trianon, destinées à illustrer des albums que la souveraine offrira à ses relations amicales ou diplomatiques. Dans cette même période, il représenta aussi de nombreux châteaux, parcs et jardins d’Ile de France (Bellevue, Neuilly, Ermenonville…), et enseigna par exemple le dessin au fils aîné du marquis de Girardin, Stanislas. Mais malgré cette célébration de la joie de vivre sous l’Ancien Régime et la protection de la Reine, il se convertira, on ne sait trop pour quelles raisons, en un révolutionnaire intransigeant, voire fanatique : juré au Tribunal Révolutionnaire, proche de Robespierre, il finira par être guillotiné quelques mois après celui-ci.
On ne connaît rien de la jeunesse ou de la formation de Châtelet jusqu’au milieu des années 1770. On découvre alors un artiste voyageur, qui visite la Suisse vers 1776/1777, ainsi que l’Italie (Rome, mais surtout la région de Naples, la Calabre et la Sicile), en compagnie de Vivant-Denon, vers 1778/1779. Il y réalise une grande quantité de dessins, dont une partie serviront à l’illustration de deux ouvrages : Tableaux topographiques, pittoresques… de la Suisse, publié par l’ancien gouverneur du Louvre, Jean-Benjamin de La Borde entre 1780 et 1786, et Voyage pittoresque, ou Description des royaumes de Naples et de Sicile, publié par l’Abbé de Saint-Non entre 1781 et 1786.
La technique de notre puissant dessin correspond, malgré les sujets italiens, à celle des dessins « suisses » ; le papier bleu, le lavis gris pour les éléments minéraux, l’encre de Chine et la craie pour les figures et pour l’eau, donnent beaucoup de force et un côté très moderne à l’ensemble, sublimé par la grandeur de la feuille.
Les personnages minuscules, traités à la manière de Volaire ou Hilaire, avec des gestes théâtraux et plutôt étirés, contribuent à l’impression de monumentalité des sites et à la grandeur de la nature. Relativement peu respectueux d’une exacte topographie, Châtelet confère à son paysage une emphase spectaculaire, qui annonce les ambiances du romantisme allemand d’un Friedrich …
Le Louvre, dans cette même technique, conserve une feuille (RF 38962) de format identique, mais à vue horizontale, titrée La tempête, et provenant de la collection Jean Masson ; on retrouve ce format, en vertical, dans deux feuilles passées en vente à New York chez Christie’s le 28/01/2000 (lot 76 du catalogue, vendues 36 800 $), très proches de notre dessin, dont le sujet est la cascade du Reichenbach en Suisse.
D’autres dessins de la même technique, mais aux dimensions plus modestes et au rendu moins spectaculaire, provenant possiblement d’un même carnet, sont conservés dans plusieurs collections publiques américaines comme la Morgan Library de New York, la NGA de Washington, les Harvard Art Museums, ou privées comme celle de Jeffrey Horvitz. Un autre, représentant la cascade de Terni, de format similaire au nôtre, et provenant de la collection Bizemont-Prunelé, se trouve sur le marché de l’art parisien.
On reconnaît au premier plan la grotte de Neptune, puis en hauteur le pont San Rocco, lui-même surmonté de l’acropole de Tibur avec ses deux temples de la Sybille et de Vesta.