Jacques Raymond BRASCASSAT (1804, Bordeaux – 1867, Paris)
Portrait de Romolo, chien de l’artiste
Huile sur toile
40 x 47 cm
Signé et décrit étude en bas à droite
1830
Exposition: Salon de Paris de 1831, exposé sous le N°240 sous le titre Etude de chien
Ce très beau et touchant portrait de chien est considéré comme un tournant légendaire dans la carrière du jeune Brascassat. Il marqua en effet quasi officiellement ses débuts dans la peinture animalière, qui devint désormais sa spécialité.
Dans ce genre, Brascassat bénéficia dès ce Salon de 1831 d’une immense fortune critique, qui devait durer une quinzaine d’années: « Brascassat a surpassé Paulus Potter… nul ne surpassera Brascassat » écrit Jacques Arago en 1844 dans le « Dictionnaire de la conversation et de la lecture » ; « Personne aujourd’hui en Europe ne peint mieux que lui les animaux » .
Après s’être formé auprès du paysagiste bordelais Théodore Richard (son père spirituel), qui l’hébergea plusieurs années dans sa demeure près de Millau, Brascassat, en tant qu’élève de Louis Hersent à l’école des Beaux-Arts, avait concouru au Grand Prix du paysage historique en 1825; ne s’y classant que deuxième, il put néanmoins faire le voyage en Italie, notamment grâce à l’intervention de la duchesse de Berry. Lors de ce séjour de quatre années, aux côtés de ses compagnons Corot, Léon Fleury ou Léopold Robert, il produisit quantité de paysages néo-classiques, des études en plein air ou bien des oeuvres abouties qu’il envoya au Salon de Paris en 1827.
Quittant l’Italie en janvier 1830, Brascassat retourna à Millau avec son fidèle ami, le chien Romolo (Romulus). Ce dernier lui avait été offert par un sculpteur italien, et était surnommé Scioccone (gros âne); il accompagnait son maître dans ses pérégrinations italiennes, portant sur son dos une partie des bagages (voire l’artiste lui-même !), y compris dans les traversées maritimes, comme en mai 1828, de Capri jusqu’à la Sicile. Brascassat le décrivait comme « peu obéissant, poltron quoique très fort » .
Décidé à désormais faire carrière à Paris, Brascassat dut se résoudre à ne pas emmener avec lui Romolo, bien trop encombrant; pour en garder le souvenir, qui lui rappelait également l’Italie (le fond paysager du tableau est d’ailleurs probablement un rivage italien), il en réalisa le portrait, un portrait qui exprime toute l’affection que l’homme et l’animal se portaient. Brascassat désignait ainsi l’oeuvre dans son catalogue: « Etudes peintes d’animaux, N°5 : chien dogue et danois, peint sur grosse toile, fait en 1830, à Millau, véritable origine du genre que j’ai adopté » .
Brascassat ne revit jamais Romolo qui, « après avoir fait deux ou trois maisons, dans lesquelles il était fort mal, finit ses jours au château de Lacaze, situé sur les bords du Tarn » .
Le tableau connut, selon Charles Marionneau le biographe de l’artiste, un grand succès au Salon de 1831, et permit à Brascassat d’obtenir la médaille de 1ère classe. Mais il n’était pas réellement la première représentation de chien par Brascassat, qui avait déjà réalisé à Rome, en 1826, une Etude de chien de Terre-Neuve noir, museau près de l’eau, assez esquissée; nommé Neptune en réalité, ce chien fut désigné comme Pluton par Brascassat, sur le tableau et sur la lithographie qu’il en tira en 1831.
Malgré sa taille imposante, Romolo, à la robe soyeuse et à la douce fourrure, dégage douceur et bonté.
La facture est extrêmement finie et léchée, donnant un aspect très idéalisé qui sera par la suite reproché à l’artiste (pour représenter fidèlement les animaux, Brascassat fréquentait l’école vétérinaire d’Alfort, notamment en compagnie du grand sculpteur animalier Antoine Barye).