Léon Rodolphe BERTHOUD (1822, Provence- 1892, Saint Blaise)
Portrait de jeune béarnais (ou aragonais) à Pau
Huile sur toile
46×38 cm
Située « Pau » et datée « 24 nov 1857 » en bas à gauche. Inscription sur le châssis : « De Léon Berthoud »
Provenance : Ancienne collection Willy Russ-Suchard (inscription sur le châssis)
Probablement ancienne collection William Ritter (inscription sur le châssis « qui le reçut au dire de l’artiste, de Mlle Berthoud sa soeur »).
Natif des environs de Neuchâtel, Berthoud étudia le dessin auprès des paysagistes suisses Maximilien et Albert de Meuron, exécutant notamment des scènes de l’Oberland bernois. En 1843, il vint à Paris, et poursuivit sa formation dans les ateliers de Léon Cogniet et de Camille Roqueplan. Il y fréquenta l’historien et critique d’art Charles Clément, et devint très lié à Corot (en 1850, il écrivait de lui qu’il enviait la vigueur et l’animation dont le maître faisait encore preuve à l’âge de 54 ans) et à Troyon.
Il séjourne souvent en Italie, notamment dans les années 1845/1850.
A la fin de 1857 (année où il n’expose pas moins de six oeuvres au Salon de Paris), il passe quelque temps en Béarn et à Pau, où il rend visite à sa soeur aînée Louise (1812-1882). Celle-ci avait épousé Pierre Schlumberger (1818-1889) à Guebwiller en 1842; après la naissance de leur fils Gustave en 1844, la famille avait quitté l’Alsace pour s’installer définitivement à Pau en 1845. Gustave, qui fit une brillante carrière d’historien, léguera à sa mort des oeuvres de son oncle au Musée des Beaux-Arts de Pau: deux toiles (une Vue du château de Pau et le Portrait d’un ouvrier espagnol) et un dessin, daté du 15 décembre 1857, représentant le château de Pau.
Berthoud exécute d’autres oeuvres pendant ce séjour, comme Soleil couchant, landes de Pau et notre portrait de jeune béarnais (celui-ci constitue d’ailleurs une intéressante rareté dans son oeuvre quasi-exclusivement constitué de paysages). Notons cependant que cette visite pyrénéenne à sa soeur n’était probablement pas la première, car Berthoud expose au Salon de Genève de 1849 une vue du Pic du Midi de Bigorre.
Il remonte ensuite vers Paris en 1858, peignant une Vue de Blois, Le pont de Sèvres, Argenteuil…, avant de retourner en Suisse pour l’été.
Jusqu’à la fin de sa vie, il effectua des séjours réguliers en Italie (presque chaque hiver) et en France, où il exposa plusieurs fois au Salon. La critique dira de lui au Salon de 1861: « Monsieur Léon Berthoud est un talent gracieux, sa lumière est douce mais trop blanche« .
Henri Zuber fut un de ses élèves.
Les musées de Neuchâtel, La Chaux de Fonds et Genève, par exemples, possèdent plusieurs de ses oeuvres.
Notre tableau fait preuve d’un certain intérêt ethnographique, avec la description précise du costume et accessoires de ce probable jeune berger, originaire du Béarn ou de l’Aragon.
L’ambiance générale de ce portrait n’est pas sans rappeler Corot, dont Berthoud était proche; on y retrouve une sobriété générale, une atmosphère pensive et poétique, avec le modèle se détachant sur un fond simple et neutre. Bien que la composition ne soit pas centrée sur le visage, Berthoud parvient à transcrire une certaine intensité psychologique chez le modèle, malgré son apparente impassibilité; on devine que l’artiste a demandé à son modèle de prendre la pose, que celui-ci a accepté de bonne grâce, mais que tout en le faisant de façon assez naturelle, il est quelque peu agacé et jette un regard fier dans le vide. Par certains aspects, la composition, organisée sur une diagonale, se rapproche de celle du Jeune paysan italien (1825) de Corot, conservé au musée des Beaux-Arts de Reims.
L’oeuvre a figuré dans d’importantes collections suisses:
William Ritter (1867-1955), critique, journaliste, collectionneur et lui-même artiste
Willy Russ-Suchard (1877, Neuchâtel – 1959, Neuchâtel); héritier de la chocolaterie Suchard en 1925, il délaisse rapidement la responsabilité des affaires pour uniquement se consacrer à sa passion pour l’art et la collection. Son goût très sûr pour les oeuvres de qualité s’exprime surtout pour les artistes figuratifs français et suisses, avec un intérêt important et particulier pour Ferdinand Hodler. Il sera conservateur du Musée des Beaux-Arts de Neuchâtel entre 1941 et 1950.