Auguste RAFFET (1804, Paris – 1860, Gênes)
Le massacre des Polonais à Fischau en 1832
Pierre noire, lavis et aquarelle
21 x 29,5 cm
1834
Provenance: collection Germain Bapst (1853-1921)
Exposition: Raffet, galerie Georges Petit, 8, rue de Sèze, Paris – 23/30 avril 1892, sous le numéro 254
Notre dessin représente un épisode tragique des conséquences de la guerre russo-polonaise (aussi appelée insurrection de Novembre) de 1830/1831.
Suite à leur défaite finale en septembre 1831, de nombreux polonais tentèrent d’échapper aux représailles russes et de quitter leur ancienne terre pour trouver refuge, pour une bonne partie d’entre eux, en France, mais aussi pour d’autres en Prusse. Celle-ci se contenta d’en interner la majorité, mais ce ne fut pas le cas à Fischau en Prusse orientale près de Gdansk (Dantzig), où, le 27 janvier 1832, 50 polonais désarmés furent tués ou blessés sur l’ordre du capitaine Richter (que l’on aperçoit à la droite du dessin). Ce massacre eut un fort retentissement en Europe et provoqua une grande émotion chez les libéraux
L’oeuvre rappelle évidemment, par sa composition assez semblable, sa crudité et son intensité dramatique, le Tres de mayo de Goya réalisé en 1808 à l’occasion des guerres napoléoniennes en Espagne, dont Raffet s’inspira probablement.
Raffet réalisa, au second semestre 1834, deux dessins sur ce thème de l’insurrection polonaise, dont le nôtre, qui donna lieu à une lithographie signée de Laure (mais composée et terminée par Raffet) et publiée par Joseph Straszewiez (1801-1838). On peut voir la reproduction de cette lithographie (beaucoup plus détaillée que notre dessin) à la page 103 de l’ouvrage de F. Lhomme consacré à Raffet et paru en 1892.
Le second dessin, titré Les cartouches, donna également lieu à une lithographie, de seulement 8 à 10 épreuves.
Les deux dessins, et un exemplaire de chaque lithographie, furent exposés à la galerie Georges Petit en 1892, sous les numéros 254 à 257. Les estampes venaient de la collection Hector Giacomelli (le biographe de l’oeuvre gravé de Raffet, dont il était l’ami depuis 1853), et le dessin des Cartouches de la collection Auguste Cain.
Fils de hussard et petit-fils d’un capitaine de la Garde Nationale de la Révolution, Auguste Raffet, après une expérience de décorateur sur porcelaine chez Cabanel, intégra l’atelier de Charlet en 1824 (il fut reçu à l’Ecole des Beaux-Arts six mois après) puis celui du Baron Gros en 1829. Son échec au Prix de Rome de peinture en 1831 (il termina troisième) le conforta à être principalement un dessinateur, lithographe (il créa environ 1 800 estampes) et illustrateur. Spécialisé dans les sujets militaires, il devint l’un des plus remarquables artistes à oeuvrer pour la légende napoléonienne.
Voici ce qu’en disait le célèbre collectionneur Henri Béraldi: « Dessinateur de génie, observateur doublé d’un poète, esprit libre et main précise, ayant le don de composer grand, même dans le plus petit espace » .
On divise généralement sa carrière en trois périodes.
Jusqu’en 1831, il imite surtout ses « maîtres » Horace Vernet, Hippolyte Bellangé et Charlet, et leur est même supérieur, selon les dires de Théophile Gautier en 1852.
Jusqu’en 1837, il développe son propre style et atteint son apogée, en créant ses compositions uniquement sur la base de son imaginaire mais extrêmement vivantes et réalistes.
Ensuite c’est d’après nature et en observant sur le terrain, tel un reporter, qu’il dessinera, à l’occasion d’incessants voyages avec un industriel russe fortuné et éclairé, le Prince Demidoff (1812-1870), en Europe de l’Est, Russie, Algérie, Espagne (1847), Ecosse (1854) et en Italie.