Edouard ARMAND-DUMARESQ

Une mort glorieuse ; souvenir de 1812 ou La mort du général Kirgener


Edouard ARMAND-DUMARESQ (Paris, 1826 – Paris, 1895)
Une mort glorieuse ; souvenir de 1812 ou La mort du général Kirgener
Huile sur toile
56 x 46,5 cm
Signée en bas à gauche
Etiquette d’exposition en bas à droite, portant le N°24
Oeuvres en rapport :
– Tableau de composition identique présenté à l’Exposition Universelle de Paris de 1855, sous le numéro 2457, titré Une mort glorieuse ; souvenirs de 1812
– Tableau présenté aux expositions suivantes, sous le titre Mort du Général Kirgener : Lyon (janvier 1860), numéro 24 ; Troyes (juin 1860) ; Marseille (septembre 1860)
– Tableau conservé au musée Ingres de Montauban, daté 1859, de dimensions 3,26 x 2,60 m, titré Mort du Général Kirgener
Provenance : ancienne collection du géologue et polytechnicien Louis de Launay (1860-1938), puis par descendance


Après de brillantes études au lycée Louis Le Grand, Edouard Armand, qui ajouta le nom (Dumaresq) de sa mère au sien, avait choisi de se former chez Thomas Couture.
Il commença sa carrière avec des tableaux religieux et de genre, ainsi que des portraits. C’est en 1855, cinq ans après ses débuts au Salon, qu’il exposa pour la première fois un tableau militaire (Une mort glorieuse; souvenirs de 1812, dont la composition est celle de notre oeuvre), à l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris. Devenu dès lors un des peintres les plus appréciés dans ce genre, il alterna des représentations d’événements militaires et historiques du 1er Empire ou contemporains. Dans les années 1870, il produisit des oeuvres sur la thématique de la guerre d’indépendance américaine, et une de ses toiles est d’ailleurs conservée à la Maison Blanche. Il fut décoré de la Légion d’Honneur en 1867.
La présence de notre tableau dans la collection de Louis de Launay s’explique par le fait qu’Armand-Dumaresq était un ami de la famille, et fut d’ailleurs témoin à la naissance de Louis de Launay.

Le sujet exact de ce tableau est un véritable mystère…
A l’exposition de 1855, les livrets ne laisse aucun doute sur le fait qu’Armand-Dumaresq ne présente qu’un seul tableau, Une mort glorieuse ; souvenirs de 1812, dont on trouve la description par Louis Enaut dans le journal Le Pays du 5 décembre 1855 : «… c’est la suite d’une bataille… pour produire l’effet il lui suffit de deux personnages. Un aide de camp tenant son cheval par la bride rencontre devant ses pas le corps de son général, couché sur le dos et tournant vers les étoiles ses yeux sans regard… devant cette toile on s’arrête et on rêve. La guerre est là, avec ses horreurs, ses ravages et ses tristesses glorieuses et son noble deuil… Toute cette figure de l’aide de camp est très belle et très simple, sans aucune exagération mélodramatique ; il porte sa tristesse avec la distinction sévère des gens biens nés… Cette figure était difficile à faire ; elle est faite et parfaite ». Le titre du tableau ne peut que faire référence à la campagne de Russie. Et en l’absence de neige, la bataille a toutes les chances d’être celle de Borodino (également appelée de la Moskowa) qui se déroule début septembre 1812. Le mort est un général, et il pourrait s’agir de Caulaincourt, né en 1777, qui décède à la tête d’une charge de cuirassiers (que l’on aperçoit sur la gauche au fond) lors de cette bataille. L’âge de 35 ans est très plausible.

De manière étrange, la même composition « ressurgit » dans plusieurs salons de province en 1860 (Lyon, Troyes, Marseille) titré Mort du Général Kirgener, avec de bonnes critiques. Lyon : « Rien de superflu dans cette scène… Quelle attitude vraie dans la douleur de ce cavalier qui regarde le général sans vie ! Et ce cheval, penchant la tête sur le corps de son maître, ne partage-t-il pas la même tristesse ?… Ce sujet funèbre est on ne peut mieux traité ». Troyes : «… M. Dumaresq a produit une œuvre intéressante. Il a placé avec habileté le corps du général, qu’on voit en raccourci, et qui a le bas du corps caché par un pli du terrain… les accessoires sont bien traités, mais les chairs moins bien ». Marseille : « … nous fait assister à la mort du général Kirgener… le corps du général est couché sur le champ de bataille… le cheval semble prendre sa part de douleur dans ce drame terrible ; il baisse la tête et flaire le sang…Le combat continue dans le lointain. Cette toile est l’œuvre d’un homme habile… » . Décrit à Lyon et Marseille comme « vaste toile » (notre œuvre, qui porte une étiquette avec le N°24 ne peut donc en principe pas être celle exposée à Lyon, pourtant elle aussi N°24 du catalogue), le tableau est probablement celui conservé au musée de Montauban, daté 1859 (sachant que la notice du musée précise que son tableau était primitivement au musée de Strasbourg, ville natale du général Kirgener).

Comment se retrouve-t-on en 1859/1860 avec un tableau de même composition qui a changé de titre pour montrer un épisode de 1813, puisque Kirgener meurt à la bataille de Reichenbach en mai 1813 ?? En outre, Kirgener a alors 46 ans, ce qui paraît plutôt âgé par rapport au visage du mort… Le critique de l’exposition de Troyes évoque de son côté le manque de ressemblance avec Kirgener, et qu’on aurait pu « mettre au bas du tableau le nom de tout autre général tué à la même époque ». Autre élément, une biographie d’Armand-Dumaresq indique que l’artiste expose deux tableaux en 1855 : La mort du général Kirgener et L’embuscade du 2ème Zouaves. Ce dernier tableau étant probablement celui exposé à Blois en 1858 sous le titre Embuscade. Mais encore une fois, en 1855 un seul tableau est exposé, et aucun de ces deux titres n’est mentionné dans le livret. Il semble bien que l’artiste ait modifié (sans scrupules !) le titre de sa composition … dans quel but ? Répondre à une demande de la ville de Strasbourg sans pour cela devoir imaginer une nouvelle composition ? Par ailleurs, le tableau de 1859, à moins que Dumaresq n’ai ajouté ou modifié la date, serait une autre version de celui de 1855, celle-ci n’étant pas localisée.