Pierre-Achille POIROT (1797, Alençon – 1855, Paris), attribuée à
Entrée de la basilique inférieure Saint-François à Assise
Huile sur toile
45 x 64 cm
Vers 1846
Oeuvre en rapport: tableau exposé au Salon de Paris de 1847, numéro 1317, titré Vue prise à l’entrée de l’église souterraine de Saint-François d’Assise, conservé au musée de Dinan (Bretagne)
Architecte de formation, Achille Poirot est l’élève de Huyot et Guénépin aux Beaux-Arts de Paris à partir de 1816. La période exacte de son séjour en Italie n’est pas connue, mais des carnets de dessins conservés à l’INHA nous donnent des informations sur les endroits visités: en juillet 1826 il est Pouzolles, Naples et Pompei, en août à Rome, et visite la Toscane (île d’Elbe, Livourne, Pise, Lucques, Volterra, Pistoia, Florence et Sienne) en octobre de la même année. En avril 1827, il est de nouveau à Florence, puis explore le nord du pays (Milan, Padoue, Venise) en juin 1827. Mais sa base reste Rome et ses environs, et c’est en particulier à Tivoli qu’il partage beaucoup de temps avec Camille Corot, qui restera son ami pour la vie, et d’autres artistes comme Jules Boilly ou le peintre lyonnais Guindrand.
A son retour d’Italie en 1828, l’Institut de France le nomme membre de l’expédition scientifique (section Architecture-Sculpture) de Morée en Grèce (Péloponnèse), sous la direction de l’architecte Guillaume-Abel Blouet ; mais avant la fin de 1830, il est rapatrié en France, comme plusieurs de ses collègues, en raison d’une fièvre qui le fera devenir sourd et l’obligera à renoncer à sa discipline d’origine pour désormais se consacrer à la peinture.
En juillet 1830, fuyant les troubles de la Révolution, il retrouve à Chartres son ami Corot (plus précisément ils sont installés à Nogent-le-Phaye), qui a eu la même idée que lui; les deux artistes renouent alors leurs habitudes de travailler ensemble et réalisent de nombreuses vues de la cathédrale, dont l’attribution n’est pas toujours aisée…
Nous ne disposons pas d’informations biographiques sur la décennie 1830, mais à partir de 1839, Poirot se met à exposer très activement (plus de 50 tableaux en moins de quinze ans) au Salon, en se spécialisant dans les représentations de monuments, essentiellement italiens, et s’appuyant pour cela sur les nombreux croquis et relevés exécutés lors de son séjour des années 1820. Mais on compte également des sujets français dans ses réalisations: château de Fontainebleau, vues de Chartres, Amiens, Arras ou Provins, églises parisiennes, hôtel de Cluny …
Il reçoit plusieurs commandes de l’Etat, n’hésitant pas à solliciter lui-même ce dernier pour obtenir pensions et place de conservateur ; il bénéficie également de l’aide de Corot, qui ne manque pas non plus d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la situation de « ce malheureux père de famille dont le handicap physique a étouffé les promesses d’une belle carrière ».
Les intérieurs d’église sont l’un des thèmes favoris de Poirot, et c’est l’Etat qui lui commande une vue de la partie inférieure de la Basilique Saint-François d’Assise, que l’artiste expose au Salon de 1847, et qui sera déposée au musée de Dinan en 1849. Pour cette oeuvre de grandes dimensions (1,35 x 1,70 m avec le cadre), il semble que Poirot ait réalisé au moins deux versions d’études, avec des points de vue différents.
La première (45,5 x 59,5 cm) est prise depuis l’entrée dans l’édifice, et correspond précisément à la composition exposée au Salon.
Dans notre tableau, l’artiste est positionné à l’extrémité Est de la nef, au croisement avec la travée d’entrée, la porte d’entrée proprement-dite se situant sur la droite. De ce côté on distingue une partie du monument abritant la tombe de Giovanni dei Cerchi, un édicule à baldaquin de style gothique, oeuvre du XIVème siècle; est également visible une partie du vase en porphyre offert par une reine de Chypre.
Devant nous, dans l’axe de nef, légèrement à droite, la chaire dite « cantoria », érigée sur un monument sépulcral du XIVème siècle par la famille Nepis en 1458. La balustrade date du XVIIème siècle.
Toujours devant nous, mais sur la gauche, se trouve le monument sépulcral supposé de Jean de Brienne, roi de Jérusalem et empereur de Constantinople, attribué à Ramo di Paganello vers 1325, et fortement influencé par le gothique français.
Enfin, non visible dans notre tableau, vers la gauche, la travée d’entrée se poursuit avec les chapelles Saint-Antoine Abbé et Sainte-Catherine.
Les figures de notre tableau, assez schématiques et s’apparentant davantage à des silhouettes, sont caractéristiques de Poirot; dépourvues ici de traits au niveau du visage, elles rappellent quelque peu, mais plus maladroitement, celles de son ami Corot, qui n’aura pas manqué de l’influencer. En revanche, la qualité d’architecte de Poirot se reconnaît dans les lignes droites tracées à la règle, au niveau du dallage notamment.
Parmi les principaux artistes, finalement assez peu nombreux, ayant représenté l’église souterraine d’Assise, on peut citer Granet, avec son grand tableau du Salon de 1822, acquis par Louis XVIII et conservé au Louvre; son élève Clérian, avec Le tombeau de Saint-François d’Assise, exposé au Salon de 1827, et plus tard William Wyld au Salon de 1882. Mais du côté des architectes, l’endroit était un sujet bien plus fréquent, pour y effectuer des relevés ou même des oeuvres plus « artistiques » ; notre galerie a ainsi vendu une aquarelle de Pierre-Joseph Garrez (1802-1852), exécutée en 1833.