Adrien MANGLARD (1695, Lyon – 1760, Rome)
Scène de port méditerranéen
Sanguine
26 x 40,5 cm
Provenance: Galerie Charles Férault, 16 rue Saint-Ferdinand à Paris (étiquette au dos du montage)
Aujourd’hui surtout connu pour avoir été le précurseur et le maître de Joseph Vernet, Adrien Manglard fut probablement dans la première moitié du XVIIIème siècle le peintre de marine le plus célèbre et le plus recherché à Rome, où il effectua quasiment toute sa carrière.
D’un caractère plutôt lunatique et peu extraverti, il fut aussi un collectionneur passionné (7 500 dessins furent ainsi inventoriés après sa mort).
Manglard grandit à Lyon dans un milieu artistique, celui des amis de son père (lui-même peintre) comme Daniel Sarrabat et surtout le hollandais Adrien Van der Kabel (son parrain, de qui il hérita du prénom), dont il fréquenta très jeune l’atelier jusqu’à la mort de celui-ci en 1705. Selon Mariette, il devint ensuite élève de Frère Imbert (un peintre lyonnais qui avait suivi l’enseignement de Van der Meulen et de Lebrun) quelque temps avant de partir pour Rome en 1715. Une fois installé dans la ville éternelle, il effectua rapidement plusieurs séjours dans la région de Naples, d’où il ramena de nombreuses études et éléments de décor qu’il utilisera toute sa vie durant dans ses compositions.
Dès le milieu des années 1720, il connut le succès auprès des grandes familles aristocratiques et princières de Rome. Cette célébrité explique que le jeune Joseph Vernet, dès son arrivée à Rome en 1734, souhaita le rencontrer ; d’abord élève, il en devint bientôt son rival. 1734 est aussi pour Manglard l’année où il est agrée par l’Académie royale de peinture, avant d’y être reçu quelques années plus tard, tout comme à l’Académie de Saint-Luc. Ces réceptions consolidèrent son succès, notamment en France, ininterrompu jusqu’à sa mort.
Les marines et les scènes de port constituent l’essentiel de son œuvre, accompagnées de vedute urbaines et quelques scènes paysannes.
Stylistiquement, Manglard est considéré comme une sorte de synthèse entre le classicisme d’un Claude Lorrain et le réalisme des écoles du Nord. En fait il semble davantage ancré dans le XVIIème siècle plutôt que dans le sien, que ce soit dans ses peintures ou ses dessins ; tout en ayant été son inspirateur et son mentor, il est ainsi assez éloigné de Vernet : son trait, sauf pour la représentation des navires et embarcations (dont le réalisme s’apparente par exemple à celui du hollandais Abraham Storck, 1635-1710), est beaucoup moins précis et plus lourd, sa touche la plupart du temps moins précise ; l’ambiance de ses marines privilégie davantage les effets atmosphériques, au détriment des personnages et notamment de leurs détails vestimentaires. Ceux-ci ne sont d’ailleurs pas son point fort, bien qu’il ait étrangement été un figuriste recherché par ses confrères ; ils ressemblent souvent à des petits mannequins un peu raides et figés, cette simplification ayant tendance à s’accentuer au cours de sa carrière.
Toutefois il émane de ses compositions une réelle sérénité ; même ses scènes de port les plus animées s’apparentent à un monde immobile et intemporel.
Notre sanguine présente une organisation qui peut rappeler celle des tableaux de la première partie de carrière de Claude Gelée: une sorte de trouée centrale, encadrée de « coulisses », ruines de temple antique et morceau d’arbre à droite, ensemble de bâtiments sur le quai longeant la rade à gauche.
Le dessin fut acquis auprès de Charles Férault (1877-1957), un antiquaire spécialisé dans les dessins anciens (surtout du XVIIIème siècle), entre 1909 et 1930, période où sa galerie se situait au 16, rue Saint-Ferdinand (Paris 17ème).