Jean-Joseph-Xavier BIDAULD (1758, Carpentras – 1846, Montmorency)
Vue fantaisiste de Tivoli
Huile sur toile
23 x 33 cm
Circa 1785
Provenance : probablement vente Alphonse Giroux du 16-17 décembre 1833, Paris, 70 passage Vivienne, lot 45 du catalogue, ainsi décrit : » Vue de Tivoli. Site pittoresque au milieu d’une profonde vallée arrosée par un torrent qui paraît alimenté par les eaux d’une cascade naturelle s’échappant du sommet d’un rocher sourcilleux décoré d’une fabrique. Toile. 13 x 9,9 pouces » (soit environ 25 x 33 cm).
Notre tableau peut se dater autour des années 1785, vraisemblablement avant le départ en Italie de l’artiste.
Bidauld, arrivé à Paris en 1783, est alors influencé par sa rencontre avec Joseph Vernet et par son activité pour le marchand Dulac, qui lui fait copier des tableaux hollandais (pastorales animalières) de Nicolas Berchem et Paulus Potter; ses oeuvres peuvent certes présenter les prémices du néo-classicisme, mais restent encore ancrées dans le XVIIIème siècle.
Durant son séjour italien, il réalisera de nombreuses études sur papier, peintes sur le motif en plein air, et avant tout centrées sur le rendu atmosphérique et de la luminosité, sans aucune présence humaine; ces études (davantage que des esquisses) sont très abouties, et peuvent constituer des oeuvres à part entière, ou bien lui serviront à composer des tableaux en atelier lors de son retour à Paris en 1790.
Dans ces années 1780/1795, Bidauld affectionne particulièrement les petits formats similaires au nôtre, qu’il expose d’ailleurs souvent au Salon dans la première moitié des années 1790, à côté de quelques oeuvres plus importantes (comme la Vue de l’Ile de Sora, 113 x 144 cm, exposée en 1793 et conservée au Louvre, ou une Vue du pont de Narni, 100 x 138 cm, datée 1790 et récemment passée en vente chez Sotheby’s).
Lorsqu’il peint notre toile, Bidauld n’a probablement pas encore vu l’Italie; il la connaît par des gravures, des tableaux d’autres artistes. Ajouté au goût du « caprice » architectural encore en vogue, ceci explique ce paysage fantaisiste, mais incontestablement inspiré par le site de Tivoli. La chute d’eau, le promontoire rocheux surmonté de bâtiments antiques où l’on peut reconnaître un temple circulaire correspondant vaguement à celui de la Sybille, tentent de rappeler le lieu. Au pied de la falaise, l’artiste rajoute même une pyramide, probablement censée être celle de Cestius (celle-ci étant située à Rome!).
On connait en revanche de Bidauld une étude très fidèle à la topographie de Tivoli (Le temple de Tivoli, crayon et lavis, 26,5 x 37 cm), conservée au musée Calvet d’Avignon, d’esprit très néo-classique.
Parmi les oeuvres de la seconde moitié du XVIIIème siècle proposant une vision fantaisiste du site, on peut citer un tableau (conservé au musée de Saint-Omer) de Lacroix de Marseille, représentant Tivoli dans un paysage maritime, ou encore un grand tableau de Jean-François Hüe conservé au musée de Tours.
Bidauld fut avec Valenciennes et Jean-Victor Bertin l’un des peintres de paysage néo-classique les plus célébrés entre 1790 et 1830: Napoléon, son frère Joseph, ou encore la duchesse de Berry figurent parmi ses importants commanditaires. Mais sur sa fin de carrière, on lui reprocha sa fidélité presque dogmatique au genre et son attitude de refus face au mouvement naturaliste naissant.
Fils d’un orfèvre de Carpentras, il avait appris son art en « autodidacte » aux côtés de son frère aîné Jean-Pierre (1743-1813), qui pratiquait le paysage mais surtout la nature morte. Il se perfectionna aux Beaux-Arts de Lyon entre 1768 et 1774, et y fréquenta Jean-Jacques de Boissieu, lui-même ancien maître et ami de Jean-Pierre. Un voyage en Suisse et à Genève à la fin des années 1770 acheva de révéler sa sensibilité à la nature et pour le paysage.
Notre petit tableau comporte de nombreux éléments stylistiques que l’on retrouve dans les peintures de Bidauld des années 1780 et du début des années 1790:
– Les nuages, vaporeux et duveteux, dans des teintes gris/bleuté et parfois rosés (Vue de l’Ile de Sora, 1793, Louvre; Vue de Marino, 1787; Vue de Salerne, 1788; ; Vue de Grenoble, vers 1790; Vue de Tivoli, 1782, conservé au musée de Lyon)
– Le paysage du fond et la ligne d’horizon (Vue de Tivoli, Lyon)
– La forme et le traitement du feuillage des arbres dans le lointain (Lac Fucino et les Abruzzes, vers 1787, Met de NY; Vue de Tivoli, Lyon)
– Les bâtiments, typiques, traités dans un style presque cubisant, dans des tons gris/rose, que l’on peut parfois retrouver chez Dunouy, un autre paysagiste néo-classique important (Vue de Tivoli, Lyon; Paysage d’Arcadie, 1786, vente Auction Data du 01/03/2016; Vue de Marino, 1787; Vue des environs de Rome, vente Auction Art du 25/11/2016 …)
– La chute d’eau (Vue de Tivoli, 1782; Paysage italien, conservé au musée de Toulouse; Pont de Narni, 1790, vente Sotheby’s du 08/06/2017)
– La texture et la palette de la roche (Vue de Tivoli, Lyon; Vue du ravin de San Cosimato, 1788)
– Les figures paysannes et animales (Vue de Carpentras, vers 1780, musée de Carpentras; Un paysage italien, 17??, vente Sotheby’s 29/01/15; Villageois et animaux dans un paysage, Vente Sotheby’s 06/06/2012)
– Les extrémités des feuillages colorés dans des tons dorés (Vue de l’Ile de Sora, 1793, Louvre; Vue de Tivoli, Lyon)