Moulins de la Poissonnerie vers 1841 (Album Breton)
Jules COIGNET (1798, Paris – 1860, Paris)
Rennes: le moulin de la Poissonnerie au bord de la Vilaine
Huile sur papier marouflée sur toile
26 x 35 cm
Situé et daté à la pointe en bas à gauche
1836
Formé à l’école du paysage historique par un des maîtres du genre, Jean-Victor Bertin, Coignet commence très tôt à travailler sur le motif, dans la nature, en particulier en forêt de Fontainebleau à Barbizon, et ceci dès 1819. En 1820, il part en Italie et y effectuera plusieurs séjours au cours de la décennie, et même plus tardivement. Il expose presque chaque année au Salon à partir de 1824.
Ses succès l’incitent à faire oeuvre de pédagogie avec « Principes et études de paysages dessinés d’après nature » publié en 1831 et « Cours complet de paysage » en 1833, que ne manquent pas de suivre les nombreux élèves de son atelier ou de simples artistes amateurs.
Coignet fut un peintre presque toujours en voyage, avec des visites en Suisse, en Allemagne, et en 1844 en Grèce et au proche-orient (Turquie, Levant, Egypte).
Il parcourut également les régions françaises (Alpes, Normandie, Auvergne, Pyrénées).
En 1836, année où il est fait Chevalier de la Légion d’honneur, il effectue un voyage en Bretagne et passe par Rennes, pousse jusqu’à Brest en s’arrêtant à Saint-Pol-de-Léon, et visite également le golfe du Morbihan.
Parmi les tableaux exécutés à cette occasion on connaît un Arbre dans la forêt de Brocéliande, conservé au musée des Beaux-Arts de Quimper, La table des marchands à Locmariacquer, conservé au musée de Brest, une Vue de La Roche-Maurice exposé au Salon de 1837 et conservé au musée de Dijon.
Notre oeuvre peut être comparée à deux autres tableaux ayant Rennes pour sujet: Lavandières à Rennes (30 x 39 cm, vente Marchandet/Dumousset 06/12/2001, Drouot), et La passerelle Saint-Germain à Rennes (39 x 30 cm, musée des Beaux-Arts de Rennes). Les trois peintures sont des huiles sur papier, de formats équivalents, croquées sur le motif, dans une palette et un style similaires, et représentant des bâtiments en pierre entre ciel et eau; elles sont situées à Rennes et datées 1836, à la pointe dans la peinture encore humide, comme avait l’habitude de le faire Coignet pour ses études sur le motif. L’artiste choisit dans ces oeuvres de représenter les parties industrieuses et populaires de la ville basse, consacrées aux activités de teintureries, draperies et autres tanneries, et qui ont aujourd’hui disparu.
Notre tableau propose une vue de la Vilaine au niveau de l’ancien port Saint-Yves, avec sur la gauche un des deux moulins dits « de la Poissonnerie », et au fond le pont de Chaulnes (aujourd’hui pont de la Mission). Plus précisément, il s’agit du moulin à froment (vs le moulin à seigle), avec la maison du meunier, que l’on peut reconnaître sur une gravure de Hyacinthe Lorette exécutée vers 1841 (Album Breton). Ces édifices seront abattus en 1845, dans le cadre de la construction des quais, décidée en 1840 et achevée à la fin des années 1850: depuis longtemps la ville avait effectivement le projet de domestiquer la Vilaine et de l’assainir. La rive gauche ici visible deviendra le quai Dugay-Trouin, et la Vilaine sera même recouverte dans le courant du XXème siècle.
Au-delà de ses qualités esthétiques et poétiques, notre tableau est un intéressant témoignage historique d’un Rennes aujourd’hui disparu.