François-Marius BORREL (1866, Paris – 1937)
Intérieur du Palais des Thermes; musée de Cluny
Huile sur toile
75 x 58 cm
Signé et daté en bas à droite
1886
Exposition: Salon de Paris de 1887, sous le N°293
François-Marie, dit Marius Borrel, fut l’élève de Jean-Léon Gérôme.
Quelque peu touche-à-tout, on le connaît surtout comme graveur (c’est en tant que tel qu’il participe aux Salons de 1883, 1884, 1885 et 1886) et comme membre, à partir de 1888, de l’équipe d’artistes (comme Louis Tinayre ou Charles Boutet de Monvel) qui accompagnait le prince Albert 1er de Monaco dans ses expéditions scientifiques pour réaliser des oeuvres topographiques et zoologiques; en particulier il représente avec précision la faune marine.
Entre deux voyages, il trouva le temps de se marier deux fois: en 1889 avec Fanny Cossas, puis en 1896 avec Julie Jame.
Son tableau le plus connu, La constrution du Sacré-Coeur à Montmartre, conservé au musée Carnavalet, est peut-être révélateur de son goût pour les monuments.
Ici il choisit de représenter une des salles du musée de Cluny, situé dans les anciens thermes gallo-romains de Paris. Le lieu avait successivement servi d’écuries puis d’entrepôts à vins entre la fin du XVIIème siècle et le 1er Empire.
Dirigé depuis son ouverture en 1844 par Edmond du Sommerard, le musée avait à sa tête depuis 1885 Alfred Darcel, ancien conservateur du Louvre et directeur de la Manufacture des Gobelins. Le musée comportait en 1886 essentiellement des pièces (sculptures, céramiques, objets archéologiques ou liturgiques) datées entre l’Antiquité tardive et la fin du XVIème siècle.
Borrel prend le parti-pris d’une palette de tons gris et ocres, relevée par quelques touches de couleur dans le retable du fond. Il parvient ainsi à restituer avec beaucoup de subtilité les différentes matières et teintes de la pierre, tout comme les restes d’enduits peints. Au pied des antiquités médiévales, Borrel représente son attirail de peintre: un petit ployant, la boite de couleurs, les pinceaux et une toile; ces objets permettent de se rendre compte de la monumentalité des antiquités (en particulier les colonnes) et de ce bras latéral de l’ancien frigidarium des thermes (14 mètres de hauteur sous voûte).
Les trois colonnes centrales étaient déjà présentes en 1860, comme on peut le voir sur un dessin de Charles Fichot daté de cette même année.
Nous remercions Monsieur Michel Huynh, conservateur en chef au musée de Cluny, pour son identification des deux objets suivants:
– Le retable en pierre au premier plan est aujourd’hui présenté comme devant d’autel dans la chapelle.
– Au fond se trouve l’imposant retable de Saint-Martin, réalisé vers 1500 par le Maître de Rio Frio, démantelé autour de 1890, et dont les neuf panneaux sont aujourd’hui conservés au musée Goya de Castres. Cet retable castillan, entré au musée de Cluny en 1876, mesurait 8 mètres de haut, composé de panneaux peints d’environ 1,65 m chacun. Notre tableau le montre dans sa configuration d’origine, avec sa structure en bois sculpté doré. Il n’était jusqu’à présent connu que par une description de 1883 dans le catalogue du musée, ainsi que par une photo noir et blanc de l’époque qui en donnait une idée.
Le sujet des thermes de Cluny inspira les peintres à partir du 1er Empire, avec par exemple Charles-Marie Bouton, Etienne Bouhot, Achille Poirot, qui s’attachèrent davantage à l’aspect sépulcral et poétique de l’endroit.
A partir de 1860 apparaît dans les représentations l’esprit muséal, ici presque positiviste du lieu. Joseph Bail expose ainsi au Salon de 1885 Les bibelots de Cluny, Gaston Lhuer Un coin du musée de Cluny au Salon de 1893. Ce dernier exemple s’inscrivant dans la tradition des « portraits » de salles de musées dont Louis Béroud est un des principaux représentants.