Auguste TOULMOUCHE (1829, Nantes – 1890, Paris)
Déjeuner sur la terrasse
Huile sur toile
60 x 80 cm
Signée et datée en bas à gauche
1856
Le nantais Auguste Toulmouche fut l’un des principaux représentant du phénomène pictural dit « néo-grec », qui perdura une quinzaine d’années en plein milieu du XIXème siècle.
Ce mouvement, qui tend à faire revivre l’Antiquité, s’affranchit de l’austérité du néo-classicisme davidien, aussi bien dans la palette, qui privilégie les teintes claires ou pastel, que dans les sujets, pris dans une vie quotidienne antique idéale plutôt que dans la mythologie ou l’histoire greco-romaine; il revendique également l’influence d’Ingres, même si le maître montalbanais n’affichera que mépris envers ce style jugé frivole.
Ces représentations très anecdotiques, gracieuses, parfois teintées d’érotisme, voire fantaisistes, furent d’ailleurs raillées par une bonne partie de la critique, en plein naturalisme barbizonien et réalisme naissant incarné par Gustave Courbet. Et pourtant, elles suscitèrent très vite l’adhésion de critiques comme Théophile Gautier, qui fut lui-même l’inventeur du terme « néo-grec » dans son compte-rendu du Salon de 1847; Gautier y encensait notamment un tableau du jeune Jean-Léon Gérôme, titré Jeunes Grecs faisant battre des coqs, considéré comme l’oeuvre fondatrice du mouvement.
Aux côtés de Gérôme, les grandes figures du mouvement étaient le nantais Henri-Pierre Picou (1824-1895) et le breton Jean-Louis Hamon (1821-1874), Gustave Boulanger (1824-1888).
Toulmouche avait véritablement commencé son apprentissage en 1846 auprès de Charles Gleyre, si l’on fait abstraction de ses premières leçons auprès de son oncle et des artistes nantais Menard et Biron, et il débuta au Salon dès 1848. Il obtint ses premiers succès significatifs en 1852 avec une médaille de troisième classe et l’acquisition par Napoléon III pour sa collection personnelle de son tableau Jeune fille, puis en 1853 avec les achats de l’impératrice Eugénie (Le premier pas) et de la princesse Mathilde (Après déjeuner). A l’occasion de ce Salon de 1853, le critique Claude Vignon écrivait: « Au milieu de la pléiade néo-grecque, l’étoile de M. Toulmouche compte cette année parmi les plus brillantes » .
Un des intérêts de notre tableau est qu’il est un des derniers que Toulmouche peint dans la veine néo-grecque. En effet, dès la fin des années 1850 (en 1857, la critique parle déjà de lui comme un « ancien néo-grec » ), il se tourne vers la représentation d’intérieurs de la grande bourgeoisie parisienne, mettant en scène des élégantes dans des tenues et des décors de l’époque, dans des moments « intimes » (la lecture d’un billet doux, un chagrin, un flirt, la toilette, etc…) de leur vie quotidienne, dans un style très méticuleux et léché. Ce genre, qui lui amena une énorme popularité et la fortune, fut néanmoins considéré comme un peu répétitif, au point qu’on parlait de « toulmoucheries ».
Toulmouche, tout comme Gérôme, sut donc s’arrêter à temps dans le genre néo-grec, contrairement à Hamon et surtout Picou, qui y resta fidèle encore plus de trente ans jusqu’à sa mort.
Toulmouche est également connu pour avoir guidé les premiers pas du jeune Claude Monet, son cousin par alliance, en lui donnant quelques leçons et en l’ayant dirigé vers l’atelier de son ancien maître Charles Gleyre, également fréquenté à l’époque par les jeunes Renoir et Sisley.
Notre tableau, aussi bien dans ses dimensions que dans sa facture (touche lisse, luminosité générale, détails du décor méticuleusement rendus), apparaît particulièrement proche de deux autres conservés au musée d’Arts de Nantes:
– Un baiser! 60×80,5 cm, daté 1856
– Femmes et enfants à la fontaine 61×81,5 cm, daté 1856
Ces deux tableaux font partie d’un ensemble de quatre, destinés à la décoration des appartements de la famille Say à Nantes, les célèbres industriels sucriers, notre toile constituant très probablement le troisième élément de la série.
La position assise, presque allongée, de la mère se retrouve dans d’autres compositions, comme une oeuvre toujours conservée au musée d’Arts de Nantes titré La leçon, daté 1854 et probablement exposée au Salon de 1855.
Plus précisément, la scène du baiser, entre la mère et son enfant, sera réutilisée à plusieurs reprises par l’artiste dans ses compositions « bourgeoises » ultérieures, et notamment dans un tableau daté de 1860.
Quant à la présence du petit chat blanc, peut-être s’explique-t-elle par l’influence du peintre animalier Eugène Lambert, surnommé le Raphaël des chats, qui entretenait depuis peu une relation amicale avec Toulmouche; c’est d’ailleurs grâce à Lambert que Toulmouche rencontra George Sand et en devint un proche.